Même en tant que professionnel de la mode, tu te demandes dans quels cas utiliser le lin ?
Pourquoi l'utiliser au détriment du coton ?
Je vais t'expliquer en quoi le lin est une fibre textile si particulière et les raisons pour lesquelles le marché de l'industrie textile française devrait le privilégier.
Tu comprendras pourquoi le lin est de plus en plus utilisé et dans quels cas il faut l'éviter.
1. Quelle est l'origine du lin ?
2. Est-ce une fibre naturelle ?
2.1. Différents types de lin cultivé
2.2. Écologie & Lin
5. Fabrication de la fibre de lin
8. Pourquoi le lin est-il cher ?
10. Où trouver du lin en France ?
Si l’on s’intéresse à l’étymologie du mot lin, elle provient du mot latin linum, qui a créé des termes actuels comme “lignée”. La meilleure fibre longue par excellence.
Le lin est l’une des plus anciennes fibres d’origine végétale utilisées.
Sa première utilisation daterait de 38.000 ans.
Même s’il est souvent représenté sous différentes nuances de couleurs, lorsque l’on pense à cette fibre textile naturelle, le blanc est souvent dans nos esprits.
Pourquoi ?
C’est la symbolique qui s’y attache dans différentes cultures au travers du monde, matérialisant des valeurs de pureté et de spiritualité.
Habituellement blanc, il accompagne chacun de nous de la naissance au linceul.
Ce n’est pas seulement le cas en Europe, mais aussi dans certains pays d’Asie et d’Afrique.
2500 avant notre ère : l’Egypte Antique s’approprie ce textile dans le but d’élaborer des pagnes représentatifs de nombreuses classes sociales.
Si les momies ont été aussi bien conservées au travers des millénaires, c’est en partie grâce au lin.
Les bandelettes qui la recouvraient étaient réalisées à partir de lin, réputées imputrescibles.
Ensuite, c’est au tour de Jules César, qui a été impressionné par les propriétés naturelles du lin.
La fibre de lin était recommandée pour lutter contre la peste noire, mais aussi soulager les blessures de guerre.
Encore aujourd’hui, ces fibres naturelles sont symboliques pour de nombreuses communautés.
Le lin est une plante qui s’épanouit dans des environnements aux climats tempérés.
Elle peut mesurer de 50cm à 1m.
La fibre se trouve dans le liber de la tige. C’est pour cette raison que la fibre de lin est catégorisée comme fibre issue du liber.
Le liber, c’est la partie végétale qui contient des vaisseaux où s’écoule la sève.
Information pas vraiment cruciale pour faciliter la compréhension, mais toujours bonne à comprendre.
Généralement, les fleurs sont de couleur blanches ou bleues en fonction des espèces cultivées.
6 à 7 ans sont nécessaires entre deux cultures sur la même parcelle de terrain.
Certains tests sont réalisés pour rendre les plantes capables de produire les deux en même temps.
Le lin textile s’autosuffit des précipitations naturelles et ne nécessite que peu d’intrants chimiques, c’est une ressource locale, renouvelable, non délocalisable et à l’impact environnemental positif.
D’autant plus que sa récolte et sa transformation ne génèrent aucun déchet.
Toute la plante est utilisée.
Les pailles pouvant être considérées comme des déchets issus de la production de la fibre sont revalorisées pour faire de l’éco-construction comme des isolants, des litières ou encore des panneaux agglomérés.
Parce que ce n’est pas suffisant, le lin est aussi capable de préparer les sols pour les cultures suivantes et participe activement à l’équilibre de la biodiversité.
En 2019, 60 exploitations françaises cultivent le lin textile sous le label Agriculture Biologique.
C’est dans l’Aube (département du Grand Est) où le lin biologique est le plus bas à hauteur de 6% du marché de ce département.
Dans les Ardennes, la part de marché du lin biologique est estimée à 38%, suivie de la Haute-Marne à 26% et la Marne à 8%.
Les autres départements du Grand Est culminent à 72% de lin biologique.
Concernant la première région de production de lin textile française, à savoir la Normandie, 620 hectares sont soit biologiques, soit en conversion.
De nombreux teillages en Normandie sont certifiés du label qualité international GOTS.
85% du lin est cultivé en Europe de l’Ouest soit la France, Belgique, et les Pays-Bas représentant à eux seuls 124.000 hectares, 171.000 tonnes de fibres longues teillées (2018).
La France est le premier producteur mondial de lin textile. 🇫🇷🐓
D’après les comptes de l’agriculture française, le chiffre d’affaires lié au secteur du lin normand est estimé à 222 millions d’euros en 2018.
D’après une étude d’Eurostat parue en 2019, la part de la France dans la production de lin textile dans l’Union Européenne représenterait 87% à elle seule.
D’autres pays produisent du lin textile comme l’Égypte, la Chine, la Pologne, la Russie ou encore la Lituanie.
Même si la Belgique est l’un des premiers producteurs mondiaux de lin textile, à son point le plus haut, en 2019, la production belge se situait à 94.001 tonnes contre 850.350 tonnes pour la production française.
Avant la crise sanitaire, de 2016 à 2019, la production belge a fait une progression de 7,84%.
La France qui dispose d’une production bien plus importante affichait une croissance de 41,14%.
La région normande en France dispose à l’heure actuelle de 84.975 hectares :
Même si la superficie de la Belgique n’est “que” de 30.688 km², leur superficie de culture de lin s’étendait jusqu’à 18.380 hectares en 2020.
De 2016 à 2020, leur superficie a augmenté de 21,75%. Ils méritent leur place dans le classement !
Quant à la France, sa superficie s’est presque agrandie du triple soit 60,66% durant la même période.
Le Grand Est représente 26% des cultures de lin nationales après la Normandie (63%).
La crise sanitaire a lourdement affecté les cultures internationales à cause de nombreuses restrictions, ce qui a baissé la superficie exploitée de -20,81% pour les cultures françaises et seulement -16,28% pour les cultures belges.
Les rendements sont équivalents aux deux pays européens concernant la culture de ces fibres végétales.
En France, en 2019, c’est en Normandie, dans les Ardennes, dans l’Aube, la Marne et la Haute-Marne où les rendements ont été les plus élevés.
Tout comme la production et les superficies exploitées, la baisse en 2020 de -29,97% pour la Belgique et -25,71% s’expliquent par les restrictions liées à la pandémie.
Selon les estimations de Statbel (office belge de statistiques) et de l’Agreste (institut de statistiques agricoles françaises), l’année 2021 est prometteuse pour une croissance de 27,25% pour la matière première belge et 15,38% pour la fibre française.
Sources :
Statbel - Exploitations agricoles
Agreste - Statistique agricole
D’après une étude faite par l’AGPL (Association Générale des Producteurs de Lin), la France a produit 77.000 tonnes pour 55.000 hectares en 2010.
À titre d’exemple, la Chine a seulement produit 20.000 tonnes pour 85.000 hectares.
Le lin est pour le couturier ce que le marbre est à la structure, une matière noble.
Christian Dior
Le lin textile est produit pour 2 grandes filières :
Sans rentrer dans les détails, 60% sont consacrés à l’industrie textile de la mode en général et 30% dans l’ameublement pour être exact.
Concernant les usages techniques, cette culture du lin peut servir à produire des matériaux composites ou encore des textiles techniques.
D’après la Chambre de l’Agriculture de Normandie, avec 1 hectare de lin, on peut obtenir :
Grâce à ses capacités d’absorption et de respirabilité, le tissu en lin concurrence de nombreuses fibres synthétiques pour cette typologie de produits.
Tendance de mode où des notions d’esthétique et de confort sont primordiales.
Elle implique de s'incorporer à une cible de clientèle active qui nécessite de bouger sans pour autant sacrifier son style ni son confort.
Dès que les graines sont semées, 100 jours lui sont nécessaires pour fleurir.
Des graines sont semées sur les champs cultivés entre mars et avril, les semis sont très denses pour assurer une tige droite et une fibre la plus fine possible.
La floraison de cette plante se passe en juin et ne dure qu’une demie-journée, même pas aussi longtemps que la durée de vie d’un moucheron.
Cette plante ne nécessite pas beaucoup d’engrais ou de protection.
Les tiges sont arrachées mécaniquement comprenant la racine comme les mauvaises herbes qui garantit la fibre la plus longue possible.
Pour éviter que les fibres se détachent, le rouissage permet d’épurer le pectose.
Elles sont exposées aux éléments naturels comme la pluie et le soleil. Elles sont habituellement soumises à ces conditions de juillet à septembre.
Cette étape consiste à favoriser la macération (essentielle pour décomposer le pectose).
Ensuite retournées pour un résultat homogène. Certains les plongent dans une cuve d’eau chaude pendant 5 à 8 jours.
Dans le cas de cette option, elles sont séchées dans un four à air chaud.
C’est à partir de ce moment que ça devient intéressant.
Les tiges sont broyées dans le but de séparer les fibres longues des courtes aussi appelées étoupes.
L’avant-dernière étape consiste à favoriser la cohésion entre les fibres pour créer des rubans et les préparer au filage.
Les ensembles de fibres textiles sont trempés dans un bain d’eau chaude qui a pour objectif de ramollir les pectines.
Ensuite, elles glissent ce qui facilite la création du fil le plus fin possible.
Les fibres peuvent être filées, cardées et peignées en fonction du produit final désiré.
2 techniques sont à connaître :
La filature “au mouillé” favorise la création de fils très fins pour l’habillement et le linge de maison, ce qui t’intéresse.
Par contre, la filature “au sec”, c’est tout ce qui concerne l’ameublement ou encore les cordages des bateaux.
Entrecroisement des fils en chaîne et trame pour réaliser différents tissages en fonction du produit final voulu, épaisseurs, effets, mélanges, etc. Il représente la structure du tissu.
Le tricotage apporte une main plus souple aux fibres de lin, de l’élasticité mais aussi une infroissabilité grâce à cette structure particulière.
Appelé maille ou jersey, fabriqué sur des machines circulaires à destination de conception de t-shirts, robes, tops, pantalons, etc.
L’ennoblissement n’est pas obligatoire mais de plus en plus utilisé pour répondre à de nouveaux besoins comme l’outdoor ou la déperlance par exemple.
Si les tissus neufs faits à partir de lin peuvent te sembler rigides, c’est parce qu’après blanchiment de la cellulose en cas d’utilisation (molécule organique, élément de la paroi cellulaire de végétaux) les fibres sont associées à un ensemble de matières pectiques (apporte de la consistance).
Le coton, la laine, peuvent réchauffer pour les saisons moins estivales, mais elles peuvent également faire transpirer tes clients.
Alors que la fibre de lin retient la chaleur corporelle tout en libérant l’excès d’humidité, ce qui n’est pas négligeable en matière de confort.
Tu peux ne pas aimer le lin, mais tu ne peux pas nier son originalité, ni sa main particulière.
Que l’on soit un freelance textile ou tout simplement un professionnel de la mode, toucher ce textile à l’aveugle serait un jeu d’enfants à distinguer parmi un ensemble de tissus.
Même si le lin a été utilisé par les Maisons de couture pour les toiles, il est aussi source d’inspiration aussi pour des marques de mode prêt-à-porter, luxe et marques de niche.
Utilisé en tant que textile, toile, mais aussi fournitures diverses comme des renforts pour des costumes bespoke.
Pour faire simple, c’est le coût de production qui est très élevé.
La meilleure qualité de lin provient d’Europe de l’Ouest, à savoir la France et la Belgique, le coût de la vie est beaucoup plus élevé que des pays comme l’Inde ou la Chine pour comparer avec le coton.
La fibre de lin nécessite un environnement au climat tempéré et un processus de fabrication complexe. Par exemple, l’arrachage est souvent fait à la main et prend donc beaucoup plus de temps.
Le volume de fabrication est très bas et représente 0,4% de l’utilisation textile mondiale selon European Flax. Le coton représente 23,2%.
Je vais utiliser l’IPPAP français (Indice des Prix des Produits Agricoles à la Production), qui représente la dynamique d’évolution positive ou négative d’un produit agricole.
Comme dans chaque indice, l’unité est le point parce que plusieurs unités sont mélangées. Plusieurs facteurs sont compris comme le coût de fabrication ou encore le prix de vente.
De 2005 à 2017, l’indice est passé de 54,93 à 86,98 points soit une augmentation de 58,35%.
En seulement 5 ans, de 2012 à 2017, il a progressé de 26,48%.
La demande devenant de plus en plus importante pour des raisons éthiques ou écologiques, la France et la Belgique produisant la meilleure qualité et la plus grosse quantité, le secteur est en pleine croissance pour le peu de quantité produite.
Malheureusement, à l’inverse de la culture cotonnière, la production n’est pas automatisable et nécessite beaucoup de savoir-faire et de synergie humaine même si les rendements des cultures françaises sont parmi les plus hauts.
Ce n’est pas en produisant en grosses quantités que les coûts de production peuvent baisser.
Dans le but de garantir la meilleure qualité de lin, plusieurs labels sont disponibles pour le garantir.
D’après European Flax, c’est en Italie que les consommateurs recherchent avant tout un textile de haute qualité à hauteur de 46,7% des clients sondés, contre les français à 39,1% qui préfèrent le style (42,2%) ou les américains à seulement 18,7% qui favorisent le confort à 49,4%.
Ça peut s’expliquer par la méconnaissance de cette fibre naturelle d’origine végétale qui, d’après la même étude, précise que les consommateurs américains interrogés pensent à 25,8% qu’il s’agit d’une fibre animale et 19,3% d’une fibre artificielle.
C’est dans la partie Nord de la France que les surfaces cultivées de lin textile se chiffrent à 96% de la superficie nationale.
De manière générale, je te conseille de te diriger vers des fournisseurs dans la Normandie, qui représente à elle seule 63% de la production française de lin textile suivi de l’ancienne région Nord-Pas-de-Calais qui regroupait 9700 hectares soit 27% de la production en 2020.
La région normande a produit 470.200 tonnes en 2020 pour une superficie de 84.975 hectares.
C’est surtout dans les régions de la Seine-Maritime, Eure et dans le Calvados que le lin textile est cultivé.
Il existe bien sûr des grossistes qui peuvent te faciliter la tâche, mais tu peux directement contacter les exploitations si tu nécessites des volumes conséquents et si tu souhaites alléger tes marges.
Si c’est le cas, ce n’est pas garanti à 100%, mais tu peux contacter une exploitation dans la Normandie, le Haut-Rhin, les Ardennes ou la Marne qui disposent des meilleurs rendements durant ces dernières années, jusqu’à 113,80 pour le Haut-Rhin contre 83,4 dans le Grand Est en général (100 kg/ha).
S’il y a un endroit où tu pourras négocier des marges, c’est à ces endroits.
Lorsque l’on parle de fibre textile d’origine végétale, tu dois penser au coton et au lin.
Tout en sachant que les deux sont d’origine naturelle, tu te dis peut-être qu’elles sont équivalentes.
Que nenni.
Ce n’est pas du tout le cas, le processus de fabrication, le coût de revient, le prix final, tout est différent.
La culture du lin qui est beaucoup plus complexe à mettre en place a été longtemps oubliée au profit du coton qui est une culture pouvant être automatisée, simplifiée, favorisant la culture du coton upland qui est considérée comme une fibre de qualité moyenne, mais qui offre le meilleur rapport qualité prix.
Depuis ces dernières années où la demande des consommateurs exige transparence et traçabilité, le lin est devenu une évidence.
Il apporte de nombreux avantages et d’un point de vue esthétique, propose un aspect inimitable.
Si tu fais partie des professionnels qui souhaitent trouver une solution viable pour leur sourcing textile, cette fibre peut être une solution comme le lin ou le chanvre.
Je rencontre de plus en plus de marques, d’experts textiles qui souhaitent aller plus loin, des passionnés qui ne se retrouvent plus dans une industrie qui ne consomme plus que ce qu’elle ne produit.
La principale problématique que je retrouve dans le lin, d’un point de vue économique, c’est le monopole de l’Europe sur la production.
Avec les dernières vagues de sécheresse, le changement climatique peut réellement perturber cette industrie.
Les cultures de lin sont majoritairement auto-suffisantes, peut-être qu’avec la température qui ne cesse d’augmenter elle consommera davantage d’eau, nécessiteront des intrants chimiques comme le coton ?
L’Europe ayant le monopole sur la production, il suffit d’une seule problématique pour potentiellement gonfler les prix par 10 en cas de catastrophe naturelle.
Si tu t’intéresses réellement à cette matière textile, je t’encourage fortement à la comprendre, anticiper ses forces, ses faiblesses, et l’aimer pour son unicité.
Si l’aspect ou le toucher du lin ne te parle pas, aucun souci.
Il existe différents tissages. On est aussi capable de le tricoter comme de la laine. Tu peux aussi le mélanger pour lui apporter de la douceur ou éviter sa froissabilité.
Comme toutes les fibres, elle a ses défauts, ses avantages et ne demande qu’à être explorée.